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Cent mille milliards de poèmes
de Raymond Queneau.


Vous êtes radin, vous aimez la poésie ?
Ce livre est fait pour vous.
C'est Queneau lui-même qui le dit dans la préface du livre.
« Ce petit ouvrage permet à tout un chacun
de composer à volonté cent mille milliards de sonnets,
tous réguliers bien entendu.
C’est somme toute une sorte de machine à fabriquer des poèmes,
mais en nombre limité;
il est vrai que ce nombre, quoique limité,
fournit de la lecture pour près de deux cents millions d’années
(en lisant vingt-quatre heures sur vingt-quatre) ».
Si ça c'est pas un investissement...

Ce livre c'est "Cent mille milliards de poèmes" de Raymond Queneau
paru en 1961.

CMMDP01.jpg
Cet ouvrage,
composé de 10 sonnets distincts,
se présente sous la forme d'une structure combinatoire,
autrement dit, sous la forme d'un puzzle.
Tous les alexandrins de ces sonnets
sont imprimés sur des bandelettes de papier
indépendamment les uns des autres.
Il est donc possible de produire,
en combinant les bandelettes,
autant de sonnets qu'il y a de bandelettes différentes pour chaque vers
(soit 10 car il y a en tout 10 sonnets).
D'autre part, il y a sur chaque page 14 vers indépendants
(deux fois quatre alexandrins pour les quatrains
et deux fois trois alexandrins pour les tercets).
Il est donc effectivement possible de produire 10 à la puissance 14,
soit 100 000 000 000 000 de poèmes
d'où le titre non mensonger de ce poème:
Cent mille milliards de poèmes.
(Et vive le copier-coller).

CMMDP02.jpg
Queneau a entrepris cette tâche incroyable d'écrire 10 sonnets différents
en se pliant à un certain nombre de contraintes extrêmement strictes
afin de permettre la lecture des sonnets produits
quelle que soit la combinaison choisie.
Parmi ces contraintes,
Raymond Queneau souhaitait travailler avec des rimes
qui ne soient ni trop courantes, ni trop rares, et sans utiliser les même mots.
Ceci rendant la tâche de plus en plus difficile à accomplir au fil des sonnets.
(Et vive le copier-coller).

CMMDP03.jpg
Cette œuvre fut saluée par les Oulipiens
comme la « première œuvre de Littérature potentielle ».

L'œuvre fascinante que constituent les Cent mille milliards de poèmes
est donc un hypertexte génial avant la lettre,
prédestiné à être présenté par moyens logiciels.

Et qu'on peut essayer ici:
CMMDP05.jpg http://www.bludog.fr/Queneau

Il suffit de cliquer sur "Je crée mon poème" et hop, un poème aléatoire.
On reclique et hop, encore un poème.
Clic, et encore, clic, etc.

Parce qu'en édition de poche,
vous n'êtes pas près de le trouver.

Le mien à moi que je viens de me cliquer:

Du jeune avantageux la nymphe était éprise
Se faire il pourrait bien que ce soit des jumeaux
Sur l'antique bahut il choisit sa cerise
Et tout vient signifier la fin des haricots

Je me souviens encor de cette heure exquise
Du client londonien où s'ébattent les beaux
Un frère même bas est la part indécise
Les Grecs et les Romains en vain cherchent leurs mots

L'esprit souffle et resouffle au-dessous de la botte
Le lâche peut arguer de sa mine pâlotte
Le colonel s'éponge un blason dans la main

Frère je te comprends si parfois tu débloques
On s'excuse il n'y a ni baleines ni phoques
Le mammifère est roi nous sommes son cousin

Ven 12 oct 2007 1 commentaire
où quand la poésie ressemble à ces chansons étrangères que l'on aime pour leur sonorité parce que l'on ne comprend rien à l'histoire  ... 
un défi extraordinaire !
même que tu as abîmé ton livre pour nous 
j'admire ta conscience professionnelle !
bravo  ;-)!
Martine - le 13/10/2007 à 08h03
"La poésie ressemble à ces chansons étrangères que l'on aime pour leur sonorité parce que l'on ne comprend rien à l'histoire. " – Martine –
"Ben c'est de la poésie, incompréhensible..." – B[LUDO]G –
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