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Jeudi 7 août 2008 4 07 /08 /Août /2008 06:01

 


"Exercices de style"
de Raymond Queneau.

 


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Raymond Queneau est né le 21 février 1903 au Havre de parents merciers
et élevé dans un milieu catholique.
Il racontera son enfance dans "Chêne et chien", une autobiographie romancée.
Vivant à Paris, il fréquentera les surréalistes
desquels il rompra plus tard pour conserver son indépendance.
Il sera l'un des membres fondateurs de l'Oulipo en 1960.
Il mourra le 25 octobre 1976.
Ses oeuvres les plus connues, dans le désordre,
"Bâtons, chiffres et lettres", "Zazie dans le métro",
"Cent mille milliards de poèmes", "Le dimanche de la vie", "Pierrot mon ami".

Mais ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est "Exercices de style".
L'un de ses ouvrages les plus célèbres.

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Publié la première fois en 1947,
Gallimard publiera en 1963 une deuxième édition
accompagnée de 45 « exercices de style parallèles peints, dessinés ou sculptés »
par Jacques Carelman
et de 99 « exercices de style typographiques » de Robert Massin.

Quelques « exercices de style typographiques » de Robert Massin.

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 Quelques « exercices de style parallèles peints, dessinés ou sculptés »
de Jacques Carelman

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Les premières adaptations des "Exercices de Style" ont lieu au théâtre,
où ils sont mis en scène par Yves Robert
au cabaret de la Rose Rouge à Saint-Germain-des-Prés en 1949,
puis chantés par les Frères Jacques
et joués au Théâtre de Poche de Bruxelles en 1954.
L'adaptation de Jacques Seiler, jouée au Théâtre Montparnasse en 1980,
sera diffusée par FR3 en 1982 et 1985.

L'histoire elle-même tient en quelques mots.
Le narrateur rencontre dans un bus un jeune homme au long cou,
coiffé d'un chapeau orné d'une tresse tenant lieu de ruban.
Ce jeune homme échange quelques mots assez vifs avec un autre voyageur,
puis va s'asseoir à une place devenue libre.
Un peu plus tard, le narrateur revoit ce jeune homme
qui est alors en train de discuter avec un ami.
Celui-ci lui conseille de faire remonter le bouton supérieur de son pardessus.

 C'est tout.

L'histoire est racontée 99 fois, de 99 façons différentes,
une belle contrainte littéraire.


*
Ceux qui veulent éviter de lire
peuvent se rendre  directement à la fin de l'article.
Ils pourront y écouter les "Exercices de style"
sans se fatiguer les yeux.


*

Ces 99 versions ont pour titre:

Notations
En partie double
Litotes
Métaphoriquement
Rétrograde
Surprises
Rêve
Pronostications
Synchyses
L'arc-en-ciel
Logo-rallye
Hésitations
Précisions
Le côté subjectif
Autre subjectivité
Récit
Composition de mots
Négativités
Animiste
Anagrammes
Distinguo
Homéotéleutes
Lettre officielle
Prière d'insérer
Onomatopées
Analyse logique
Insistance
Ignorance
Passé indéfini
Présent
Passé simple
Imparfait
Alexandrins
Polyptotes
Aphérèses
Apocopes
Syncopes
Moi je
Exclamations
Alors
Ampoulé
Vulgaire
Interrogatoire
Comédie
Apartés
Paréchèses
Fantomatique
Philosophique
Apostrophe
Maladroit
Désinvolte
Partial
Sonnet
Olfactif
Gustatif
Tactile
Visuel
Auditif
Télégraphique
Ode
Permutations par groupes croissants de lettres
Permutations par groupes croissants de mots
Hellénismes
Ensembliste
Définitionnel
Tanka
Vers libres
Translation
Lipogramme
Anglicismes
Prosthèses
Épenthèses
Paragoges
Parties du discours
Métathèses
Par devant par derrière
Noms propres
Loucherbem
Javanais
Antonymique
Macaronique
Homophonique
Italianismes
Poor lay Zanglay
Contre-petteries
Botanique
Médical
Injurieux
Gastronomique
Zoologique
Impuissant
Modern style
Probabiliste
Portrait
Géométrique
Paysan
Interjections
Précieux
Inattendu.

En partie double.
Vers le milieu de la journée et à midi,
je me trouvai et montai sur la plate-forme et la terrasse arrière
d'un autobus et d'un véhicule des transports en commun bondé et quasiment complet
de la ligne S et qui va de la Contrescarpe à Champerret.
Je vis et remarquai un jeune homme et un vieil adolescent
assez ridicule et pas mal grotesque:
cou maigre et tuyau décharné, ficelle et cordelière autour du chapeau et couvre-chef.
Après une bousculade et confusion,
il dit et profère d'une voix et d'un ton larmoyants et pleurnichards
que son voisin et covoyageur fait exprès et s'efforce
de le pousser et de l'importuner chaque fois qu'on descend et sort.
Ceci déclaré et après avoir ouvert la bouche,
il se précipite et se dirige vers une place et un siège vides et libres.
Deux heures après et cent vingt minutes plus tard,
je le rencontre et le revois cour de Rome et devant la gare Saint-Lazare.
Il est et se trouve avec un ami et copain
qui lui conseille de et l'incite à faire ajouter et coudre
un bouton et un rond de corozo à son pardessus et manteau.

Surprises.
Ce que nous étions serrés sur cette plate-forme d'autobus !
Et ce que ce garçon pouvait avoir l'air bête et ridicule !
Et que fait-il ?
Ne le voilà-t-il pas qui se met à vouloir se quereller avec un bonhomme qui
- prétendait-il! ce damoiseau ! - le bousculait !
Et ensuite il ne trouve rien de mieux à faire
que d'aller vite occuper une place laissée libre !
Au lieu de la laisser à une dame !
Deux heures après, devinez qui je rencontre devant la gare Saint-Lazare ?
Le même godelureau !
En train de se faire donner des conseils vestimentaires !
Par un camarade!
À ne pas croire !

Pronostication.
Lorsque viendra midi,
tu te trouveras sur la plate-forme arrière d'un autobus
où s'entasseront des voyageurs parmi lesquels tu remarqueras un ridicule jouvenceau:
cou squelettique et point de ruban au feutre mou.
Il ne se trouvera pas bien, ce petit.
Il pensera qu'un monsieur le pousse exprès,
chaque fois qu'il passe des gens qui montent ou descendent.
Il le lui dira, mais l'autre ne répondra pas, méprisant.
Et le ridicule jouvenceau, pris de panique,
lui filera sous le nez, vers une place libre.
Tu le reverras un peu plus tard, cour de Rome, devant la gare Saint-Lazare.
Un ami l'accompagnera, et tu entendras ces paroles:
"ton pardessus ne croise pas bien; il faut que tu y fasses ajouter un bouton."

Hésitations.

Je ne sais pas très bien où ça se passait...
dans une église, une poubelle, un charnier ?
Un autobus peut-être ? Il y avait là... mais qu'est-ce qu'il y avait donc là ?
Des oeufs, des tapis, des radis ? Des squelettes ?
Oui, mais avec encore leur chair autour, et vivants.
Je crois bien que c'est ça. Des gens dans un autobus.
Mais il y en avait un (ou deux ?) qui se faisait remarquer
je ne sais plus très bien par quoi. Par sa mégalomanie ?
Par son adiposité ? Par sa mélancolie ?
Mieux ... plus exactement ... par sa jeunesse ornée d'un long ... nez ? menton ? pouce ?
non: cou, et d'un chapeau étrange, étrange, étrange.
Il se prit de querelle, oui c'est ça,
avec sans doute un autre voyageur (homme ou femme? enfant ou vieillard ?)
Cela se termina, cela finit bien par se terminer d'une façon quelconque,
probablement par la fuite de l'un des deux adversaires.
Je crois bien que c'est le même personnage que je rencontrai, mais où ?
Devant une église ? devant un charnier ? devant une poubelle ?
Avec un camarade qui devait lui parler de quelque chose, mais de quoi ? de quoi ? de quoi ?

Négativités.
Ce n'était ni un bateau, ni un avion, mais un moyen de transports terrestre.
Ce n'était ni le matin, ni le soir, mais midi.
Ce n'était ni un bébé, ni un vieillard, mais un homme jeune.
Ce n'était ni un ruban, ni une ficelle, mais du galon tressé.
Ce n'était ni une procession, ni une bagarre, mais une bousculade.
Ce n'était ni un aimable, ni un méchant, mais un rageur.
Ce n'était ni une vérité, ni un mensonge, mais un prétexte.
Ce n'était ni un debout, ni un gisant, mais un voulant-être assis.
Ce n'était ni la veille, ni le lendemain, mais le jour même.
Ce n'était ni la gare du nord, ni la gare du p.-l.-m. mais la gare Saint-Lazare.
Ce n'était ni un parent, ni un inconnu, mais un ami.
Ce n'était ni une injure, ni une moquerie, mais un conseil vestimentaire.

Alexandrins.
Un jour dans l'autobus qui porte la lettre S
Je vis un foutriquet de je ne sais quelle es-
Pèce qui râlait bien qu'autour de son turban
Il y eut de la tresse en place de ruban.
Il râlait ce jeune homme à l'allure insipide,
Au col démesuré, à l'haleine putride,
Parce qu'un citoyen qui paraissait majeur
Le heurtait, disait-il, si quelque voyageur
Se hissait haletant et poursuivi par l'heure
Espérant déjeuner en sa chaste demeure.
Il n'y eut point d'esclandre et le triste quidam
Courut vers une place et s'assit sottement.
Comme je retournais direction rive gauche
De nouveau j'aperçus ce personnage moche
Accompagné d'un zèbre, imbécile dandy,
Qui disait: "ce bouton faut pas le mettre ici."

Vulgaire.
L'était un peu plus dmidi quand j'ai pu monter dans l'esse.
Jmonte donc, jpaye ma place comme de bien entendu et voilàtipas
qu'alors jremarque un zozo l'air pied,
avec un cou qu'on aurait dit un télescope et une sorte de ficelle autour du galurin.
Je lregarde passque jlui trouve l'air pied
quand le voilàtipas qu'ismet à interpeller son voisin.
Dites-donc, qu'il lui fait, vous pourriez pas faire attention, qu'il ajoute,
on dirait, qu'il pleurniche, quvous lfaites essprais, qu'i bafouille,
deummarcher toutltemps sullé panards, qu'i dit.
Là-dsus, tout fier de lui, i va s'asseoir. Comme un pied.
Jrepasse plus tard Cour de Rome
et jl'aperçois qui discute le bout de gras avec autre zozo de son espèce.
Dis-donc, qu'i lui faisait l'autre, tu dvrais, qu'i lui disait,
mettre un ottbouton, qu'il ajoutait, à ton pardingue, qu'i concluait.

Interrogatoire.
-À quelle heure ce jour-là passa l'autobus de la ligne S de midi 23,
direction porte de Champerret  ?
-À midi 38.
-Y avait-il beaucoup de monde dans l'autobus de la ligne S sus-désigné ?
-Des floppées.
-Qu'y remarquâtes-vous de particulier ?
-Un particulier qui avait un très long cou et une tresse autour de son chapeau.
-Son comportement était-il aussi singulier que sa mise et son anatomie ?
-Tout d'abord non; il était normal, mais il finit par s'avérer être
celui d'un cyclothymique paranoïaque légèrement hypotendu
dans un état d'irritabilité hypergastrique.
-Comment cela se traduisit-il ?
-Le particulier en question interpella son voisin sur un ton pleurnichard
en lui demandant s'il ne faisait pas exprès
de lui marcher sur les pieds
chaque fois qu'il montait ou descendait des voyageurs.
-Ce reproche était-il fondé?
-Je l'ignore.
-Comme se termina cet incident ?
-Par la fuite précipitée du jeune homme qui alla occuper une place libre.
-Cet incident eut-il un rebondissement ?
-Moins de deux heures plus tard.
-En quoi consista ce rebondissement ?
-En la réapparition de cet individu sur mon chemin.
-Où et comment le revîtes-vous ?
-En passant en autobus devant la cour de Rome.
-Qu'y faisait-il ?
-Il prenait une consultation d'élégance.

Botanique.
Après avoir fait le poireau sous un tournesol merveilleusement épanoui,
je me greffai sur une citrouille en route vers le champ Perret.
Là je déterre une courge dont la tige était montée en graine
et le citron surmonté d'une capsule entourée d'une liane.
Ce cornichon se met à enguirlander un navet qui piétinait ses plates-bandes
et lui écrasait ses oignons.
Mais, des dattes ! Fuyant une récolte de châtaignes et de marrons
il alla se planter en un terrain vierge.
Plus tard je le revis devant la serre des banlieusards.
Il envisageait une bouture de pois chiche en haut de sa corolle.

Etc., etc.
J'aimerais, mais je ne peux les mettre tous.
J'en ai déjà mis beaucoup...


Vous pouvez les écouter ici.
ESFolio.jpg


Personnellement,
je préfère les lire plutôt que de les écouter.

*

Best of de l'été.
Ça fait un peu prétentieux, mais j'aime bien.
Article déjà paru le 1 septembre 2007.
 
 
Publié dans : Bestofage
- Lire les 3 bafouilles
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